Témoignage du Docteur GARAT – UFR3S - Pharmacie, Université de Lille
La faculté de pharmacie de l’Université de Lille s’est engagée dans la démarche Campus sans tabac depuis septembre 2022.
Docteur Garat, vous êtes Maitre de Conférences au sein de la faculté, Praticien Hospitalier au CHU de Lille, ainsi que pilote du projet Campus sans Tabac.
Pourriez-vous tout d’abord nous expliquer en quelques mots en quoi consiste votre rôle de pilote sur ce projet ?
Le pilote est le coordinateur d’une équipe, l’interlocuteur privilégié des instances et des partenaires. Toutefois, le projet Campus sans Tabac – UFR3S-Pharmacie a été imaginé et se déploie grâce à un comité de pilotage (COPIL) très impliqué et dynamique dont je suis finalement le porte-voix.
Quelles ont été vos motivations pour répondre à l’appel à projet de l’ARS ? Pourquoi développer des campus sans tabac ?
L’appel à projet m’a été présenté par Hauts-de-France Addictions avec qui je collabore depuis longtemps. Quand j’ai lu le cahier des charges de l’AAP, la mise en place d’un campus sans tabac apparaissait parfaitement adaptée aux valeurs portées par notre institution. Travaillant dans une faculté de santé, nous avons en effet un devoir d’exemplarité. Il fallait tenter notre chance. En tant qu’assesseur du doyen sur la composante santé et accompagnement et enseignante en toxicologie et santé publique, j’avais tous les arguments pour y répondre. Je me suis alors rapprochée de plusieurs collègues pour bénéficier de leurs expertises, ainsi que d’étudiants particulièrement investis dans la vie de la Faculté. Le COPIL s’est ainsi naturellement organisé et mis en place.
Quelles sont les actions phares mises en place ?
Parmi nos actions phares, nous avons mis en place des sessions de formation, des campagnes de sensibilisation, le recrutement d’étudiants ambassadeurs, des campagnes de communication autour du projet... et de nouvelles actions sont en cours de développement.
Campus sans tabac propose des consultations d’accompagnement au sevrage tabagique avec l’aide d’une infirmière formée à cet effet. Par ailleurs, le projet vise à promouvoir la pratique d’activités physiques, manuelles ou de relaxation afin de réduire le stress d’une part, et de renouer ou renforcer le lien entre les étudiants et les personnels d’autre part.
En parallèle de ces actions phares, nous déployons des actions comme « Adopte un fumeur » en collaboration avec le Collectif pour l’INformation, l’Amélioration et la Protection de la Santé sur les lieux d’Etudes (CINAPSE). L’idée est de créer une émulation collective. Cette action permet à un fumeur d’être coaché par un non-fumeur, étudiant ou personnel. Ce n’est pas un accompagnement médical ou paramédical. J’ai personnellement « adopté » un collègue et j’avais déjà « adopté » un étudiant auparavant. Je lui envoie des messages de temps en temps et lui apporte du soutien, nous fixons ensemble ses objectifs…il sait qu’en cas de crise ou de manque, il peut venir me voir pour en parler.
Nous collectons aussi les mégots jetés dans l’enceinte de la faculté de pharmacie une fois par mois depuis le début du projet. Nous avons informé l’ensemble des chefs de service, et sensibilisé toute la faculté. Quand nous ramassons ces mégots, nous en profitons pour informer de notre action les personnes se trouvant autour de nous. Cette action à la fois pédagogique, physique et citoyenne est nécessaire. Il est indispensable de continuer la collecte des mégots ayant un impact catastrophique sur notre environnement.
Dans les actions à venir, nous souhaitons proposer des rassemblements réguliers pour marcher une heure autour de la faculté. Nous avons également imaginé des circuits de marche de 6 à 8 minutes, ce qui équivaut au temps moyen pour fumer une cigarette. Ces circuits passeront possiblement par des escaliers pour monter et descendre des marches, avec des panneaux ludiques et des signalétiques de prévention sur le tabac.
De manière générale, le projet a-t-il été bien accueilli par les étudiants/ collègues /partenaires ? Et les jeunes qu’en pensez-vous ? Sont-ils investis ou se sentent-ils concernés par la démarche ?
Campus sans tabac a été très bien accueilli par l’ensemble de la faculté. Plus de 97% des étudiants y sont favorables ou très favorables ainsi que plus de 90% des personnels, et nombreux sont ceux qui nous ont signalé vouloir s’impliquer dans le projet.
Quelles sont, selon vous, les principales forces de votre projet ?
La pluridisciplinarité du COPIL, son dynamisme et la proximité de notre offre de consultations de sevrage tabagique.
Nous avons une très bonne représentativité et une complémentarité des membres du COPIL, comprenant à la fois des étudiants et des personnels de disciplines multiples. Le COPIL s’organise en sous-groupes de travail par binôme ou trinôme; ainsi il n’y a jamais de membre isolé. Cela permet d’assurer une fluidité dans les groupes de travail et la continuité du projet.
Toutes les décisions se prennent de manière collégiale au sein du COPIL. Au sein de ce COPIL, chaque membre est spécialisé sur une thématique : communication, conception de questionnaire et analyse de données… Les étudiants sont totalement intégrés aux prises de décision et sont force de propositions !
Le projet a pour but de proposer à l’ensemble des personnels et des étudiants tout ce qu’il est possible de mettre en place pour qu’ils puissent étudier et travailler dans un environnement bientôt totalement dépourvu de tabac. Le projet s’attache à accompagner les fumeurs dans leur démarche de sevrage ou du moins les aider à prendre la décision d’arrêter et de tout faire pour que le lieu dans lequel ils évoluent soit un lieu facilitant.
Communiquer sur le tabac permet d’aborder d’autres conduites addictives : protoxyde d’azote, alcool… Il est important d’ouvrir la prévention et l’accompagnement à l’ensemble des conduites addictives.
Concernant la proximité des consultations d’aide au sevrage tabagique, nous avons réussi à aménager un bureau au sein de la faculté. Ces consultations sont bien sûr soumises au secret médical et professionnel. En cas de difficulté ou de manque, les personnes peuvent consulter ou solliciter très rapidement l’infirmière. Le message qui m’a été remonté indique clairement que si les personnes avaient dû prendre par elles-mêmes un rendez-vous avec un professionnel au sein d’une structure externe, elles n’y seraient pas allées. Nous avons déjà une file active de 10 personnes suivies.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez et comment y remédiez-vous ?
Le temps dédié pour coordonner le projet ainsi que la durée du projet. Trente-six mois, ça passe très vite. La conception et l’animation des actions menées dans le cadre de Campus sans tabac viennent s’ajouter à notre charge de travail et ce n’est pas toujours simple.
Quelles sont vos perspectives dans les prochaines années à venir ?
Nous souhaiterions développer le projet Campus sans tabac à l’échelle de l’Unité de Formation et de Recherche des Sciences de Santé et du Sport (UFR3S) puis à l’échelle de l’Université de Lille.
Enfin, quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un homologue qui souhaiterait se lancer dans la démarche de Campus sans tabac ?
Si vous êtes convaincu·e de l’intérêt de ce projet, lancez-vous ! Les difficultés que vous pourrez rencontrer seront largement compensées par votre conviction et par les retours encourageants que vous recevrez. Le fait qu’on fumait aussi dans les locaux il y a 20 ans choque les étudiants et personnels actuels ; dans quelques années, un campus sans tabac apparaîtra comme une évidence. Ce projet représente donc un enjeu de santé publique, mais l’intérêt collectif y côtoie l’intérêt individuel, car pour un fumeur, chaque cigarette non fumée compte et le rapproche un peu plus du sevrage, et donc d’une meilleure santé !